La « loi Veil » du 17 janvier 1975 : la légalisation de l’IVG
En 1920, l’Assemblée Nationale vote une loi interdisant l’avortement et la contraception. Cette loi ne cessera d’être renforcée par la suite. Les avorteurs sont ainsi très sévèrement condamnés. En 1942, l’avortement devient même un crime d’État. Une avorteuse est, par exemple, condamnée à mort et guillotinée en 1943.
Les procès auront lieu contre les avortées et leurs complices jusqu’aux années 1970. Cette longue période répressive prendra en partie fin à partir de la loi Neuwirth qui autorise la contraception en 1967. En revanche, l’avortement reste toujours hors-la-loi, même si les tribunaux se montrent plus cléments dans les peines prononcées. Néanmoins, il y a toujours de nombreux avortements clandestins, qui entraînent souvent la mort des femmes pour manque de mesures d’asepsie suffisantes.
Les combats ouvrant la voie à la dépénalisation de l’avortement
Avant Simone Veil, de nombreuses femmes se sont battues pour l’obtention du droit à l’avortement. En effet, le 5 avril 1971, 343 femmes, pour la plupart célèbres, signent un manifeste appelant à la dépénalisation et légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Une note en bas de page indique que « parmi les signataires, des militantes du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) réclament l’avortement libre et gratuit ». Ce « Manifeste des 343 » accélère le combat pour les droits des femmes dans la rue mais les tribunaux continuent de sévir.
Un premier procès ouvre la voie à la dépénalisation de l’IVG en France : le procès de Bobigny en octobre 1972. Cinq femmes y furent jugées : une jeune femme mineure de 16 ans qui avait avorté après un viol et quatre femmes majeures, dont sa mère, pour complicité ou pratique de l’avortement. L’avocate de la jeune fille, Gisèle Halimi, transforme cet énième procès d’avorteuse en procès politique de l’avortement. Le moment est bien choisi dans la mesure où la loi de 1920 est de plus en plus perçue comme relevant d’un autre âge et vecteur de ségrégation sociale, puisqu’elle ne touche désormais que les pauvres qui ne disposent pas de l’argent nécessaire pour se faire avorter dans les hôpitaux des pays étrangers voisins autorisant cette pratique. Finalement, Marie-Claire et les deux collègue de la mère sont relaxées. Cette dernière est seulement condamnée à 500 francs d’amende avec sursis et l’avorteuse à un an de prison avec sursis. Considérant sa médiatisation, ce verdict ne peut que faire jurisprudence : le délit d’avortement n’a plus lieu d’être.
Le courage de Simone Veil
Après une première tentative ratée le 13 décembre 1973, un projet de loi autorisant l’IVG est à nouveau présenté. Il est cette fois-ci préparé par Simone Veil, fraichement nommée Ministre de la Santé. Le projet de loi Veil autorise l’IVG avant la dixième semaine sur simple demande à un médecin. Dans le contexte d’une société profondément divisée sur la question, le 26 novembre 1974, Simone Veil présente ce projet devant une Assemblée nationale constituée quasi-exclusivement d’hommes et rappelle que « aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement ». Après de virulents débats pendant près de 3 jours durant lesquels Simone Veil est attaquée avec une brutalité inouïe, le projet de loi est finalement voté par 284 voix pour et 189 contre, en première lecture. La loi est ainsi promulguée le 17 janvier 1975, pour 5 ans à titre expérimental. Elle sera ensuite reconduite sans limite de temps le 31 décembre 1979.
Cette loi, dite « Loi Vieil », marque un tournant dans la libération des femmes. Elle consacre la liberté de choix de la femme. Elle reste toutefois restrictive à l’époque mais subira plusieurs modifications. En 1982, par exemple, l’IVG est désormais remboursé par la Sécurité Sociale. Plus récemment, le 8 octobre 2020, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture avec modifications la proposition de loi pour allonger de deux semaines le délai légal pour avoir recours à l'IVG, qui est ainsi porté de 12 à 14 semaines de grossesse.